mercredi 7 décembre 2011

RDC : Premiers enseignements des élections générales

Le 29 novembre, Thierry Garcin recevait Dominique Bangoura (présidente de l’Observatoire politique et stratégique de l’Afrique, de Paris I) dans les Enjeux internationaux sur les élections en République démocratique du Congo. Réécoutez ICI



Résumé : "La République démocratique du Congo (ex-Zaïre), pays clé de l’Afrique centrale, a des caractéristiques bien connues. 2,3 millions km² (environ quatre France), 71 millions d’habitants (une espérance de vie limitée à 50 ans), des voies de communications fluviales discontinues (malgré le considérable bassin du fleuve Congo) et terrestres pauvres (seulement 2 800 km de routes goudronnées !), des chemins de fer en déshérence.

Une partie de la population urbaine est concentrée dans l’agglomération de Kinshasa, l’extrême-Est ayant toujours été le flanc faible, avec le sud historiquement sécessionniste.
Enfin, le sous-sol du pays regorge de richesses (on a parlé d’un « scandale géologique »), telles le diamant, l’or, le charbon, le pétrole, l’uranium et bien d’autres minerais (à commencer par le coltan, 70 % des réserves mondiales).
Or, c’est un État faible et divisé qui, aujourd’hui, n’est même pas maître de l’entièreté de son territoire."

On lira également
- La RDC en chiffres (BBC) ICI
- RD Congo : un risque de guerre civile post-élections ? (Affaires stratégiques) ICI
- "La contre-insurrection en République démocratique du Congo" par Ilinca Mathieu ICI et ICI
- "Congo: l’enlisement du projet démocratique" par l'International Crisis Group ICI

Quelques rappels sur la RDC publiés précédemment ICI :
Pays d’Afrique centrale, le troisième en superficie du continent (2 345 000km²), et le plus peuplé de la zone (63 millions d’habitants). Elle y occupe une place centrale sur les axes Le Cap-Le Caire et océan Atlantique- océan Indien.
La RDC (Zaïre jusqu’en 1997) constitue un ensemble composite confié par la Conférence de Berlin (1885) à une société capitaliste d’exploitation dirigée par le roi des Belges Léopold qui le lègue à Bruxelles. Son unité (le Bassin du Congo) n’est qu’apparente : elle plonge au sud dans le plateau métallifère du Shaba (ex-Katanga riche en cuivre, colbalt, uranium) et touche à l’est les Grands Lacs. Aussi sa diversité ethnique est elle considérable (5 langues nationales) et la décolonisation (1960) s’est accompagné de nombreux troubles, en particulier les tentatives de sécession du Katanga encouragées par l’Union minière de Belgique.
La dictature de Mobutu (1965-1997) ne permet pas le développement du pays malgré ses richesses. Sa déstabilisation est une retombée indirecte du conflit du Rwanda, de nombreux Tutsi (les banyamulengue) ayant été établis par les Belges dans l’est de la RDC (Kivu). Ils se heurtent en 1996 au million de réfugiés hutu fuyant le FPR, parmi lesquels les milices interahamwe impliquées dans le génocide de 1994). L’intervention des Rwandais tutsi et des Ougandais, leurs alliés, provoque la chute de Kinshasa le 16 mai 1997 et porte au pouvoir une coalition d’opposants dirigée par Laurent-Désiré Kabila. Mais les interventions étrangères ne cessent pas et la RDC devient l’enjeu d’un affrontement entre deux camps, d’un côté l’Ouganda et ses alliés, de l’autre l’Angola et le Zimbabwe qui soutiennent Kabila. Le gel des positions militaires se traduit par une partition de fait du pays. En 2001, L.D. Kabila est assassiné. En 2003, un accord global est signé et un gouvernement d’union nationale nommé. Mais de nombreux mouvements de rébellion persistent, souvent sur une base ethnique, en particulier dans le Nord et l’Est du pays.

mardi 6 décembre 2011

Engagements stratégiques français : nouveaux regards. Retour sur la journée de la relève stratégique

A la suite de la conférence du 24 novembre sur les Engagements stratégiques français : nouveaux regards. Retour sur la journée de la relève stratégique, le 24 novembre 2011, l'IRSEM vient de publier en ligne ICI les communications des intervenants.

Résumé de l'institut : "A l’occasion du lancement des débats sur la révision du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) de 2008, l’Irsem a consacré une journée d’étude à l’actualisation des engagements stratégiques français face au nouveau contexte géostratégique mondial. Les interventions de ce colloque sont rassemblées ici. Elles sont le fruit des réflexions de jeunes chercheurs rattachés à l’institut, pour la plupart doctorants ou jeunes docteurs civils, experts des questions stratégiques contemporaines. Cette journée participe de l’une des missions majeures de l’Irsem, le développement des liens entre monde universitaire et monde de la défense. Cette contribution permet de présenter, en amont des élections présidentielles et législatives de 2012, une vision critique et novatrice des ambitions stratégiques françaises à l’heure de la multiplication des tensions régionales, des crises économiques et de l’émergence de nouveaux défis. La journée s’est organisée autour de quatre panels, les deux premiers permettant de clarifier l’environnement stratégiques, les deux suivants interrogeant la manière de rationaliser les actions stratégiques."


vendredi 2 décembre 2011

Au-delà du Lower Shabelle, quelles marges de manœuvre pour le contingent djiboutien ?

A lire, sur le site de l'IRSEM, la chronique de Christelle Dumora : 

"Initialement conclus en 1977, les accords de défense qui lient la France et Djibouti sont renégociés en profondeur pour la troisième fois depuis plus d’un an, entre les autorités djiboutiennes et françaises. Cette nouvelle orientation s’inscrit dans la volonté affichée du Président français Nicolas Sarkozy dans le Livre Blanc de la Défense, paru en 2008, de redéfinir les modalités de présence et d’engagement de nos troupes en Afrique et plus précisément sur le territoire de Djibouti.

Plusieurs axes importants en émanent :
Le premier concerne les voies et moyens de renforcer les capacités humaines et logistiques de l’armée djiboutienne (FAD, Forces Armées Djiboutiennes). Le second, la reprise de certains sites utilisés par les forces françaises stationnées, mais aussi la réévaluation du « contrat de bail » qui doit prendre fin en 2012 et dont s’acquitte la France depuis 2003 à hauteur de 30 millions d’euros par an. Ces accords incluent également la redéfinition des modalités d’engagement de la France dans la sécurité et la défense de Djibouti notamment en cas d’agressions, uniquement, extérieures. Et c’est bien là toute l’acuité de ces accords : l’annonce il y a plus d’un an par le Président Ismaël Omar Guelleh de déployer en Somalie un contingent en appui aux troupes de l’Amisom, risque de changer la donne.


Ce nouveau partenariat semble avoir été souhaité côté français, suite à la visite du président Sarkozy au début de l’année 2010. Côté djiboutien, cette réorientation stratégique remonte au sommet de Kampala en 2009 durant lequel Ismaël Omar Guelleh a émis la volonté de changer de posture en réponse aux sollicitations de ses homologues kényans et éthiopiens pour une coopération élargie au processus d’imposition et de maintien de la paix en Somalie. Engagement salué en janvier 2009 par le Conseil de sécurité de l’ONU en vue du renforcement de l’Amisom et que le parlement djiboutien vient d’entériner (16 octobre 2011)...." La suite ICI

mercredi 30 novembre 2011

CR Le mondial des nations

Voici le compte rendu de lecture de : Joao Medeiros (dir.), 2011, Le Mondial des Nations, Choiseul-RFI, Paris, 574p


La Nation, une thématique classique d’étude, que les auteurs de l’ouvrage Le Mondial des nations ont voulu revisiter.

Beaucoup d’essais explorent la question des nations au XIXème siècle en Europe, beaucoup moins au XXème siècle et encore moins au XXIème siècle. Une lacune que tentent ici de combler les auteurs. En se démarquant des approches trop historiques de la question, ils montrent « la vitalité de l’idée de nation », alors que les recherches s’attardent sur « l’invention ou la fabrique » des identités nationales. La nation, définie dans la préface comme « l’espace irremplaçable de reconnaissance et d’expression politique du sujet » (p.7), est un concept toujours d’actualité. L’enjeu reste toujours le pouvoir, et le contexte actuel rend d’autant plus pertinente l’existence de nation car : « c’est en ce qu’elles détiennent aujourd’hui de plus futuriste que les nations revendiquent leur capacité à gouverner les destins collectifs, en garantissant la sécurité et la croissance, tous deux valeurs d’avenir et non reliques du passé »(p.9).

Le Mondial des Nations veut s’inscrire à contre-courant des analyses voyant la nation se dissoudre dans la mondialisation. L’Etat-nation serait soumis à des forces centripètes tendant à son explosion par le haut (organisations supranationales) et son implosion par le bas (revendications locales). Alors que l’Etat était au cœur du système international, dans la période bipolaire, il se retrouve aujourd’hui concurrencé par des dynamiques internes et externes qui le dépassent. Dans un système international éclaté et incertain, l’Etat est mis au défi par de nouveaux acteurs (organisations régionales, acteurs transnationaux ...), galvanisés par la mondialisation et en quête d’autonomie.

Lire la suite sur le site des cafés géographiques ICI

dimanche 27 novembre 2011

Lettre n°1 du comité Afrique de l'ANAJ

Le Comité "Afrique" de l'ANAJ-IHEDN est heureux de vous annoncer la sortie du premier numéro de sa lettre d'information.


L’Afrique, longtemps considérée comme un continent en marge, est aujourd’hui animée par des dynamiques qui en font un espace plus que jamais intégré aux grandes questions stratégiques internationales.
Avec une croissance exceptionnelle depuis plusieurs années, certains parlent d’une « embellie historique », d’autres affirment que « les perspectives sont plus favorables que jamais ». Conscients des multiples enjeux liés au développement et à la stabilité de ce continent aux portes de l’Europe nous vous proposons d’engager une réflexion sur l’ensemble de ces questions.

« Jambo » ou « Bonjour » en Swahili, la lettre du Comité Afrique de l’ANAJ-IHEDN, se donne pour objectif de partager et promouvoir l’expertise des auditeurs jeunes, de donner la parole à ceux qui font l’Afrique, de revenir sur les moments forts de la vie du comité.

Rédigée par des étudiants, chercheurs ou jeunes professionnels membres du Comité Afrique de l’ANAJ-IHEDN, la lettre souhaite montrer à ses lecteurs que le continent africain est un acteur à part entière des enjeux géopolitiques mondiaux. Nos rédacteurs ont une expérience du continent, y ont vécu ou travaillé.

Il s’agit pour eux de faire partager leur intérêt commun pour un continent trop souvent marginalisé dans les médias et la pensée européenne.
Téléchargez la lettre ICI

mardi 22 novembre 2011

Les engagements stratégiques français : nouveaux regards

L'Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (IRSEM) organise le 24 novembre une journée d’étude sur l'actualisation du Livre blanc. Les doctorants du séminaire "Jeunes chercheurs" de l'Institut seront invités à proposer des "Éléments de réflexion pour l’actualisation du livre blanc sur la défense et de la sécurité nationale"

Synopsis : "Depuis 2008, la multiplication des tensions régionales et des crises économiques ont amené de nombreux changements dans le contexte géostratégique. L’arc de crise défini par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, qui va de l’Atlantique à l’océan Indien a été confirmé, notamment avec le maintien des zones de crises et surtout avec les révoltes dans le monde arabe. Ces derniers évènements ont néanmoins laissé entrevoir de nouveaux enjeux, de nouveaux défis à traiter, pour notre stratégie, pour nos forces armées.

vendredi 18 novembre 2011

Un regard sur les élections tunisiennes

Deux Tunisiennes ont accepté de répondre à nos questions et nous font part de leurs sentiments sur les élections qui se sont déroulée en Tunisie, le 23 octobre dernier pour élire une Assemblée constituante..



Le peuple tunisien vient de voter pour son Assemblée constituante, quelles sont vos premières réactions aux résultats des suffrages ?

C’est une étape historique. Il s’agit des premières élections libres et démocratiques pour la Tunisie. Malheureusement, le rêve s’est transformé en cauchemar avec l’annonce des résultats et la victoire du parti islamiste Ennahdha. En effet, la « révolution du jasmin » prônait la liberté, la dignité et le droit. Nous craignons que cet élan démocratique n’ait été confisqué par un parti islamiste.

Les exemples de l’Algérie et de l’Iran sont des illustrations exhaustives de la dérive de ces partis islamistes, arrivés au pouvoir de manière démocratique. C’est donc avec amertume que la majorité des tunisiens ont découvert les résultats des élections. Au lendemain de cette journée historique, la Tunisie se réveille avec « la gueule de bois ».

Que pensez-vous du traitement médiatique de ces élections en France ?

Les médias français ont mal couvert les élections et leurs enjeux. Ils ont exposé la période électorale tunisienne en se focalisant principalement sur le fameux parti Ennahdha, parti qu’ils présentent comme étant modéré.

Il est toutefois important de signaler que la Tunisie, n’est pas la Turquie, et qu’elle n’est pas laïque. Les journalistes français ont présenté ce parti et son dirigeant Rached Ghannouchi, comme une alternative démocratique à la dictature, en oubliant de souligner les aspirations extrémistes propres à ce parti, qui pourraient nous mener à une nouvelle dictature.



Les médias ont fait abstraction des réelles motivations de ce parti, en se contentant d’affirmer qu’il était islamiste mais modéré. Il s’agit d’un oxymore, on ne peut être islamiste et modéré. En se focalisant principalement sur Ennahdha, les médias français l’ont hissé au rang de favori. Nous trouvons cela injuste de fournir une couverture médiatique à ce parti et de ce fait, négliger les autres partis. On se demandait à Tunis, si France24, Bfm tv et itélé n’étaient pas en charge de promouvoir la campagne électorale de ce parti, tellement la focalisation était flagrante.

On considère que les médias français ont contribué au succès d’Ennahdha et ont failli à leur obligation d’impartialité. Nous les classons aujourd’hui dans le même panier qu’Aljazeera, qui se veut pro- islamiste.

Avez-vous des informations sur les tendances du vote des tunisiens de France ? Qu'en pensent les tunisiens de Tunisie ?

Les tunisiens de France ont crée la surprise en plaçant le parti Ennahdha premier des votes.

C’est d’autant plus étonnant que ces immigrés tunisiens vivent dans une démocratie et jouissent de tous leurs droits. Pourquoi ont-ils voté pour un parti islamiste ? C’est une stupéfaction à Tunis. Les tunisiens sont révoltés par le vote des immigrés, qui sanctionne ceux qui vivent principalement en Tunisie. On pense qu’il s’agit d’un vote sanction de citoyens binationaux en désaccord avec leur société.

Sur les réseaux sociaux, plusieurs groupes ont manifesté leur colère et incompréhension face à ce vote des tunisiens de France. Aussi, ils crient au scandale et jugent ce vote inutile et handicapant pour la Tunisie moderne post Ben Ali. Ainsi un groupe a été crée sur Facebook, invitant les français à voter Marine Lepen pour sanctionner à leur tour les immigrés tunisiens qui ont voté Ennahdha.

Ce désaccord entre tunisiens en France et tunisiens en Tunisie prend des allures de règlement de compte.

Qui est le leader d’Ennahdha ?


Le leader d’Ennahdha est Rached Ghannouchi. Il était exilé à Londres durant une vingtaine d’années. Il est revenu en Tunisie à la suite d’une amnistie en janvier 2011.

Les dirigeants de ce parti sont vieillissants et déconnectés de la réalité tunisienne, mais la base de ce parti est représentée par des radicaux. Alors qu’ils étaient interdits auparavant, les courants extrémistes et salafistes ont pris le contrôle des mosquées. Ceci est d’autant plus inquiétant qu’anti-démocratique. Utiliser les lieux de culte à des fins politiques est dangereux.

Le leader du parti Ennahdha a évoqué, durant une interview sur les révolutions arabes, que l’objectif ultime des musulmans est l’instauration du califat. Naturellement, Rached Ghannouchi est bien conscient qu’il est impossible d’atteindre cet objectif dans le court terme mais il l’envisage sur du long terme.

Dans son livre, « La femme entre coran et réalité des musulmans », Rached Ghannouchi affirme que « la fonction de la femme est essentiellement sexuelle ». Dans le même livre, il affirme que « tant qu’il y a des hommes au chômage, les femmes ne devraient pas travailler ».

Aussi, à l’annonce de la mort de Ben Laden, Ghannouchi a évoqué, sur Al Jazeera, « l’engagement progressiste et humaniste » de ce dernier, même s’il a dénoncé ses « excès » !!! Ceci nous donne un aperçu de la personnalité de Ghannouchi et de ses ambitions pour la Tunisie à venir.

Après les élections, les dirigeants du parti ont pourtant tenté de rassurer les laïcs notamment sur le statut des femmes, vous n'y croyez pas ? Pourquoi ?

Les dirigeants du parti Ennahdha se sont empressés d’affirmer qu’ils n’instauront pas la Charia et qu’ils ne toucheront pas aux acquis de la femme. Néanmoins, ils ont toujours été vagues et imprécis sur leurs affirmations. Ils sont des adeptes du double langage.

Les femmes tunisiennes ont acquis des droits avancés par rapport aux autres pays arabes. Le code du statut personnel, équivalent du code civil français, place la femme tunisienne au même rang que l’homme. Cette particularité déplait fortement aux islamistes, qui dans leurs derniers discours affirmaient que « la femme tunisienne s’était pervertie en agissant comme une occidentale ».

Ils ont aussi déclaré que la « débauche de la femme tunisienne était une honte pour la religion musulmane ». Ainsi, avec ce genre d’affirmations, nous nous attendons au pire.

De ce fait, nous ne croyons pas du tout au discours hypocrite d’Ennahdha sur la préservation des droits de la femme tunisienne. Ils restent flous quant à l’instauration de la charia, considérant que c’est un objectif ultime. Ils sont constamment en contradiction. Les derniers événements à Tunis sont inquiétants, mais ils ne sont mêmes pas relayés par les médias français ! Plusieurs femmes universitaires ont été agressées et persécutées au sein même des universités tunisiennes. Le silence de la communauté internationale est scandaleux. Ennahdha renoue donc avec ses vieilles habitudes des années 80, durant lesquelles plusieurs femmes non voilées ont été aspergées d’acide chlorhydrique, par des activistes du parti.

En France, on a une image d'une Tunisie laïque avec une importante classe moyenne et on découvre aujourd'hui un autre visage de la Tunisie, vous aussi ? Comment expliquer la montée de l'islamisme ?

Oui, la Tunisie à travers ces élections apparait sous un nouveau visage. Mais, il faut relativiser cette montée de l’islamisme, qui n’englobe pas toutes les catégories sociales.

Il ne s’agit pas de faire le procès de l’Islam. La Tunisie est musulmane et nous tenons à nos valeurs et traditions. Le problème consiste à séparer le politique du religieux. Il ya eu durant ces élections beaucoup de personnes qui ont voté pour Ennahdha car celui-ci prônait un retour de la religion et des valeurs traditionnelles. Or, cette attitude vise à gagner des voix plus qu’à servir une cause. C’est de la manipulation et de l’opportunisme politique. Il faut aussi prendre en compte, les dernières années de la dictature de Ben ali, qui ont crée un fossé entre les classes sociales et ceci n’est pas étranger au fait que les plus démunis se ruent vers un parti religieux. Il n’est pas nouveau que l’islamisme puise dans la misère sociale.

Ainsi, Ennahdha s’est appliqué à monnayer les voix de ses électeurs, en leur offrant des compensations financières pour le mois de Ramadan et en offrant à ses adhérents le mouton de l’Aïd. Ce genre de pratique n’est pas démocratique. On assiste aujourd’hui à une nouvelle forme de dictature qui profite du contexte économique pour s’accaparer les votes des plus démunis.

Quelle est l'atmosphère aujourd'hui en Tunisie ?

Après la surprise du résultat, la majorité des tunisiens sont pessimistes. Néanmoins, ils ne contestent pas le résultat des urnes et acceptent le jeu de la démocratie.



Plusieurs cas de fraudes et des dépassements ont été signalés et nous attendons la décision de la justice à ce sujet. Ennahdha est accusé de ne pas avoir respecté les règles démocratiques des élections. L’atmosphère est donc pesante. Plusieurs atteintes aux droits individuels par des sympathisants islamistes ont été constatées, notamment dans des universités. On assiste à une radicalisation inquiétante des mœurs alors même que le nouveau gouvernement, dirigé par Ennahdha, n’est pas encore en place.

Les femmes sont les plus touchées par ces représailles, qui remettent en cause leurs libertés et leurs droits. Elles sont très inquiètes pour leur avenir. Ceci étant, on assiste à l’organisation d’une opposition, qui n’est pas négligeable. Ils veulent s’allier et créer un front commun pour contrer le parti islamiste. Ennahdha est la première force politique aujourd’hui, mais nous ne baisserons pas les bras. Il faut rester vigilant.



Comment sont perçus les Français ? Les Américains ? Le Qatar a joué un rôle important également, comment est-il perçu ?

On pense que les français ont été dépassé par les événements, de leurs débuts jusqu’à aujourd’hui. La réaction française s’est longtemps faite attendre, contrairement aux américains. Ces derniers se sont empressés de prendre position et de reléguer la France au rang de spectateur. Cela peut paraitre contradictoire, car la France avait une place privilégiée en Tunisie. Les Etats-Unis ont « marqué le territoire » en organisant toutes sortes de manifestations au niveau politique, culturel et social, prenant ainsi l’ascendant sur la France. Il n’est donc plus choquant d’entendre le leader d’Ennahdha dire qu’il faut se débarrasser de la langue française, lui préférant la langue de Shakespeare.

Le leader islamiste déplore que la société tunisienne soit « devenue franco-arabe, c’est de la pollution linguistique ». Il affiche un islamisme anti-français, un des thèmes de prédilection du Front islamique du salut en Algérie dans les années 90. Les Etats-Unis et le Qatar ont soutenu le parti Ennahdha et l’ont financé. En plaçant des islamistes modérés à la tête du pays, ils espèrent contrer les salafistes.

C’est tout de même ironique que le Qatar se positionne en donneur de leçon, lui qui n’a rien de démocratique. C’est un pays très critiqué en Tunisie. On voit d’un mauvais œil les financements faramineux du Qatar au profit du parti islamiste Ennahdha. La manipulation étrangère est bien réelle. Nous craignons la mise en route vers une dictature islamique.

La Constitution doit être entièrement réécrite, quelles sont vos craintes ? Vos désirs ? Regrettez-vous la révolution ?

Nous ne regrettons pas la révolution même si elle nous échappe aujourd’hui. Le système Ben ali arrivait à sa fin et était au bord de l’implosion. Nous aspirons à un avenir meilleur et surtout à une démocratie réelle. Nous souhaitons faire valoir nos droits et assurer leur pérennité. Or notre plus grande crainte serait de nous retrouver dans une nouvelle dictature.

La constitution doit être réécrite, mais nous insistons pour que le statut de la femme et les droits et libertés individuels de chacun ne soient pas remis en question. Il est impératif pour nous d’avancer et non de faire un bond en arrière.

Nous craignons que le parti Ennahdha s’approprie cette révolution et qu’il modifie la Constitution dans son intérêt. Nous sommes tres méfiants quant aux aspirations profondes de ce parti. Leur double langage est une arme fatale contre la démocratie.

Aujourd’hui nous pensons que derrière cette révolution, se cache tout de même le spectre de l’ingérence étrangère. Dans quel but et dans quel intérêt, l’avenir nous le dira…

Comment voyez-vous votre pays dans 5 ans ? Comment voyez-vous votre avenir et dans quelle Tunisie ?

La majorité des tunisiens sont inquiets et pessimistes. L’avenir est très incertain. Nous avons peur que la parenthèse de la Tunisie de Bourguiba se ferme définitivement. Nous verrons si le peuple a eu tort ou raison de faire confiance à Ennahdha. Les tunisiens se posent beaucoup de questions concernant ce printemps arabe. Les révolutions arabes ont-elles libéré les peuples ou les ont-elles asservi ? Nous craignons aussi que les grands perdants de ces soi-disant « révolutions de printemps » pourraient être ceux qui sont le plus attachés aux valeurs de la liberté d'expression et de pensée et qui étaient aux premiers rangs lors de ces révoltes. L’Occident a voulu soutenir et croire en « ces islamistes modérés », peut-être pousseront-ils l’indécence jusqu’à nous parler de « lapidation modérée ».

Pour aller plus loin, nos deux interlocutrices nous proposent :

- Révélations. Six ans avant la chute de Ben Ali, Washington préparait déjà la carte islamiste pour la Tunisie

- Tunisie : Ennahdha, le double langage ?

- Exclusif : les écrits islamistes de Rached Ghannouchi traduits en français

- Rached Ghannouchi: "Pour quoi je suis islamiste" (1993)

- En Tunisie, des islamistes agitateurs cultuels

- Ci-dessous, des extraits d'un rapport de la cour fédéral canadienne disponible intégralement ici : http://www.unhcr.org/refworld/pdfid/47161475d.pdf
"Le MTI/Ennahda est un mouvement qui prône l'usage de la violence; il est composé d'une branche armée qui utilise des méthodes terroristes et qui est financée par plusieurs pays et mouvements. Cette branche du mouvement est impliquée dans des assassinats et des attentats à la bombe. Le mouvement, qui est présent dans plus de 70 pays, est aussi impliqué dans le trafic d'armes et dans le financement d'intégristes algériens, dont le Front Islamique du Salut (le « FIS » ). L'objectif ultime du mouvement est l'islamisation de l'État, c'est-à-dire l'instauration d'un État islamique en Tunisie.

Le leader du mouvement, M. Rached Ghannouchi, un terroriste faisant partie intégrante de l'internationale islamiste, est considéré par certaines sources comme étant l'un des maîtres à penser du terrorisme. M. Ghannouchi a fait un appel à la violence contre les États-Unis et a menacé de détruire leurs intérêts dans le monde arabe. En outre, il a demandé la destruction de l'État d'Israël.

Le MTI/Ennahda a commis 12 crimes pouvant être qualifiés de crimes graves de droit commun, à savoir :
i) attentats à la bombe en France en 1986;
ii) attentats à la bombe à Sousse et à Monastir en 1987;
iii) des incendies de voitures en 1987 et 1990;
iv) de l'acide projeté au visage d'individus en 1987;
v) complots en vue d'assassiner des personnalités du gouvernement tunisien en
1990, 1991, et 1992;
vi) complot en vue de déposer par les armes l'ancien président tunisien Habib
Bourguiba en 1987;
vii) agressions physiques dans les lycées et universités, de 1989 à 1991;
viii) l'utilisation de cocktails Molotov en 1987, 1990 et 1991;
ix) incendie criminel de Bab Souika en février 1991;
x) tentative d'incendie d'un édifice universitaire en 1991;
xi) des lettres de menace en 1991 et 1992; et
xii) le trafic d'armes à compter de 1987. "

- Mohamed Zrig : Complice de terroristes et candidat des Frères Musulmans pour représenter le Canada à l’Assemblée constituante tunisienne
Sonia Le Gouriellec, Good Morning Afrika

mercredi 16 novembre 2011

Quelles perspectives pour les opérations de maintien de la paix de l'ONU ?

Le Comité "Afrique" de l'ANAJ-IHEDN a le plaisir de vous inviter à sa conférence sur le thème :
QUELLES PERSPECTIVES POUR LES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DE L'ONU ?

Autour d’Alain LE ROY,
Ancien Secrétaire général adjoint de l'ONU
chargé des opérations de maintien de la paix

Mardi 29 novembre 2011
19h15 à 21h00

École militaire
Amphithéâtre Desvallières


L’Organisation des Nations Unies reste toujours très présente sur le continent africain et partage aujourd’hui ses missions de paix et de sécurité avec de nouveaux acteurs (Union Africaine, Union Européenne…). Engagée dans des missions souvent longues, cet interventionnisme règle-t-il les problèmes ? Ne sont-elles pas des missions sans fin ?

Alain Leroy reviendra sur son expérience à l’ONU et nous apportera ses éclairages sur les missions qui l’ont mobilisées ces trois dernières années (côte d’Ivoire, Soudan).

INSCRIPTION OBLIGATOIRE AVANT LE 26 novembre

Inscription obligatoire avant le 26 novembre à l'adresse : http://tinyurl.com/anaj-

Informations : afrique@anaj-ihedn.org

mardi 15 novembre 2011

Les instabilités renouvelées dans la bande saharo-sahélienne

Le 11 novembre, Thierry Garcin recevait dans les Enjeux Internationaux, André Bourgeot, directeur de recherches émérite au CNRS. Ecoutez l'émission ICI



"La décomposition du régime politique à Tripoli et la guerre civile dans le pays ont ajouté aux instabilités dans cette bande saharo-sahélienne, dont les crises et les conflits sont de nature différente, ceux-ci devenant néanmoins de plus en plus interactifs.

C’est d’ailleurs le même constat, mutatis mutandis, qu’on peut dresser aussi bien pour le Proche- et le Moyen-Orient que pour la Corne de l’Afrique (voir l’émission d’hier mardi).

Quelles en sont les éléments clés ? Entre autres : Al Qaida au Maghreb islamique, contrebande et trafics (notamment, de drogue), migrations, prolifération des armes, bandes armées, lutte antiterroriste activée voire instrumentalisée par Washington, question touarègue, etc. Et comment les États, seuls ou en coopération, peuvent-ils relever ces défis ?"

lundi 14 novembre 2011

Comment comprendre et évaluer l’engagement militaire du Kenya en Somalie ?

Le 9 novembre Thierry Garcin recevait dans les Enjeux Internationaux Francis Soler, directeur-adjoint d'Africa Intelligence. Ecoutez l'émission ICI



"Pour échapper aux incursions croissantes d'un groupe d'islamistes somaliens, les Shebab, qui multiplient enlèvements et exactions, les autorités kényanes ont décidé de lancer une offensive militaire.

Préparée de longue date, elle vise à créer un teritoire sous administration autonome, régie par des groupes somaliens politiquement proches de Nairobi.

C'est un revirement de situation puisque, depuis bien longtemps, les islamistes somaliens trouvaient régulièrement refuge sur le territoire kenyan.

Si l'opération militaire gagnait encore en envergure, il est possible que l'Ethiopie cherche ensuite à intervenir à nouveau pour soutenir ce gouvernement somalien qui ne contrôle en réalité qu'une poignée de quartiers de sa capitale, mais pas le reste du pays."