jeudi 6 mai 2010

La politique africaine de la Libye (1/2)

Je complète sur ce blog le billet publié en parallèle sur AGS :

La Libye est le quatrième plus grand Etat d’Afrique en superficie (1 757 000 km²) mais 14 fois moins peuplée que l’Egypte, riche d’un pétrole (40% des réserves africaines, 2ème exportateur du continent) qui lui permet toujours de peser politiquement. Elle bénéficie d’une situation privilégiée sur la façade méditerranéenne mais ne néglige pas le poids de sa partie continentale. En effet, le désert s’étend sur la quasi-totalité du territoire et la circulation de nomades dans cet espace n’est pas sans répercussion sur les intentions géopolitiques du pays. Carrefour entre le Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie, auxquels on ajoute parfois la Mauritanie et le Soudan) et le Moyen Orient, la Libye est faite d’une profonde dualité culturelle : arabité et africanité. Dans un ouvrage publié en 1986 M. Kadhafi déclarait : « Les pays africains et les pays arabes connaissent une situation analogue, sinon identique, d’autant que plus de la moitié des peuples arabes vit en Afrique ? » Ainsi l’idéal de l’unité africaine se trouvait dès l’origine en filigrane de la politique africaine de la Libye.

Ce billet propose de répondre à une interrogation principale : le colonel Kadhafi a-t-il une politique panafricaine ? Il convient pour y répondre de comprendre comment se manifeste la politique d’influence de la Libye en Afrique, vers quels pays est-elle dirigée, quels sont les vecteurs de cette influence ? Nous nous proposons d’analyser la portée idéologique de cette politique puis les vecteurs de l’influence libyenne sur le continent noir.


I.Une politique éminemment idéologique

a)Une vision unioniste et tribale


La politique d’influence libyenne est conçue et dirigée par le Colonel Kadhafi. La République arabe libyenne a pour principes fondamentaux : la liberté, l’union, la justice sociale et fait référence à l’Islam et à l’arabisme. L’idéologie kadhafiste se fonde aussi sur une volonté unioniste contre ce qu’il considère comme l’ennemi sioniste et contre l’Occident accusé d’avoir divisé le monde arabe. En 1974 il déclare : « la lutte contre Israël est éternelle » et en 1978 : « Nous sommes des unionistes depuis 1959, date de la constitution du mouvement des officiers unionistes libres. L’unité arabe est un destin, un objectif et en même temps une nécessité impérieuse. Nous avons peiné pour l’unité arabe et nous avons payé le prix depuis que nous étions étudiants en 1961, lorsque nous vivions sous les menaces de la persécution. L’unité est notre manière d’entrer en politique et elle en est la justification ». Dans les années 1969-1975 la Libye soutient de nombreux mouvements de libération dans le monde et tout particulièrement dans son voisinage africain : le Frolinat au Tchad, les Erythréens, les colonies portugaises, l’ANC en Afrique du Sud. Cet activisme pousse plusieurs pays d’Afrique à rompre leurs liens avec Israël. L’unionisme est une composante fondamentale de la politique de Kadhafi et un axe essentiel de son action politique.
En 1977, M. Kadhafi annonce la Jamahiriya (assemblée triviale) et publie le Livre Vert qui se veut une « troisième théorie universelle », différente du capitalisme et du marxisme, se fondant sur la société tribale bédouine, l’arabisme selon sa version nassérienne et la religion musulmane. H. Bleuchot considère que la tribu a joué un rôle fondamentale dans l’élaboration du Livre Vert : « la conception de Kadhafi (..) est celle-ci : le lien sociale véritable et naturel est celui du sang. L’individu est lié aux autres d’abord et avant tout à sa famille. La tribu est à son tour une famille élargie et la nation un groupe de tribus. Voilà la société naturelle. On a reconnu la société bédouine traditionnelle » .
Kadhafi s’est voulu l’héritier de Nasser et a voulu porter l’arabisme après la disparition de celui-ci en 1970. En effet, dans les années 1960 et 1970 on observe un grand rayonnement de la pensée nassérienne. Pourtant le moteur de la vision unioniste de Kadhafi diffère de celui de Nasser pour qui le projet d’unité était beaucoup moins utopique et correspondait davantage à des motifs stratégiques d’incarnation du leadership arabe . Djaziri paraphrase Sivan en considérant que le projet unitaire kadhafien comme un mythe politique arabe comme l’est l’islamisme . Les tentatives d’union qu’il proposera avec la Tunisie, le Maroc, l’Egypte et d’autres pays ne sont pourtant pas des succès (Soudan-Egypte en 69 , Egypte-Syrie en 71, Egypte en 72, Tunisie en 1974, Syrie en 1980, Tchad en 1981, Maroc en 1984, Soudan en 90). Citons également une tentative d’union régionale : la MENA (Middle East and North Africa). Elle obéit sur le plan régional à une logique d’emboitement de centres (capables d’exercer une influence politique, économique, démographique ou religieuse au niveau régional comme l’Arabie Saoudite, l’Egypte, l’Iran, la Turquie et Israël) et de périphéries (inégalement intégrées au système mondial dont fait partie la Libye). En effet, les économies de la MENA restent dans l’ensemble marginalisées, périphériques et peu compétitives. Ainsi, le PIB de la Ligue arabe avec 870 milliards de dollars en 2005 est inférieur à celui de l’Espagne . Aucune puissance régionale ne parvient à fédérer la région. Plusieurs logiques partagent ces pays : l’unité arabe avec la création en 1945 de la Ligue arabe encore fragile ; l’OPAEP (Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole) qui s’est effondrée dans les années 1980 ; l’Union du Maghreb arabe créée en 1989 mais paralysée par les tensions régionales (Sahara Occidentale) ; le Gafta ou Great Arab Free Trade Area qui réunit 17 membres de la Ligue arabe sur 22 et entré en vigueur en 2005 mais qui pâtit de la faiblesse des échanges dans la zone ; l’Organisation de la Conférence islamique elle aussi ralentit par les rivalités interétatiques.

Actuellement le mouvement panarabe est fortement battu en brèche par la montée récente de l’islamisme. L’arabisme, l’idéologie officielle des pouvoirs en place, a perdu de son potentiel révolutionnaire.


b)La promotion d’un islam réformiste


Kadhafi est partisan d’un islam réformiste et surveille la menace représentée par les mouvements islamistes notamment celui des Frères musulmans. La Libye fait néanmoins partie de l’Organisation de la conférence islamique. Ses thèses socialistes trouvent, selon lui, leurs fondements dans le Coran. Cet islam socialiste est théorisé dans le livre vert. Ces oppositions tendent à isoler la Libye des Etats défenseurs d’un islam orthodoxe notamment l’Arabie Saoudite, qui est allée jusqu'à financer les projets américains de déstabilisation du régime. Le guide joue des affrontements entre chiites et sunnites en critiquant le régime saoudien qui « vise les chiites et complote contre le Hezbollah, la fierté de l’islam, des Arabes et de la résistance contre Israël ». Le 31 mars 2007 le Guide a même appelé dans un discours prononcé au Niger en présence des chefs de tribus Touareg, à l’établissement d’un second Etat fatimide chiite en Afrique du Nord, sur le modèle de l’Empire fatimide (10ème- 13ème siècle) qui regroupait l’Afrique du Nord, l’Egypte et une partie du Croissant fertile. Cependant les Saoudiens se sont réconcilier au Sommet de Doha (1er avril 2009) avec les Libyens mais une lutte d’influence se ressent toujours entre la Libye, l’Arabie Saoudite et même l’Iran.

c)Une constante : l’hostilité à l’égard de l’Occident


Le « Guide » libyen n'hésite pas à user et abuser d'une rhétorique populiste anti-blanc ou anti-occidentale et se faire passer ainsi pour le champion de la lutte contre le néocolonialisme. En cela, il trouve des opportunités lorsqu'un pays africain a des différents avec son ancienne métropole (Côte d'Ivoire ou Zimbabwe par exemple).
Son interventionnisme sur les différentes scènes internationales a toujours traduit une volonté de réduire l’influence occidentale et de faire progresser ses objectifs unitaires. Les positions propalestinnienne du leader libyen l’ont très vite opposé aux Etats-Unis et à Israël. A la suite d’un processus de reconnaissance et de recherche d’acceptabilité internationale, l’ONU et l’Union européenne ont levé leurs sanctions en septembre 2003, et le 15 mai 2006 les Etats-Unis ont retiré la Libye de leur liste des états terroristes. Mais il faut attendre juillet 2007 et la résolution de l’affaire des infirmières bulgares et fin 2008 l’indemnisation des victimes des attentats aériens pour que le Guide trouve un semblant de respectabilité.

mercredi 5 mai 2010

Que fait la Chine en Afrique ?

Pour compléter les propos de JGP (Mon Blog Défense) sur l'AGS  : l'émission Le dessous des cartes sur la Chine en Afrique :

Edition : dernières sorties

Mahamadou Issoufou Tiado Le Niger, une société en démolition
Pays ouest-africain enclavé occupé au nord par le désert du Sahara, indépendant depuis 1960, le Niger a connu une première période de stabilité politique de trente ans ponctuée par deux changements de chef d'Etat. Les turbulences politiques liées à l'avènement de la démocratie en 1990 conduiront à quatre changements de chef d'Etat en seize ans.
Le présent ouvrage aborde le récit de l'histoire contemporaine de la gouvernance politique de ce pays. Sous l'influence des facteurs externes, des facteurs internes et de la nature des dirigeants politiques, la société nigérienne s'est métamorphosée au point que ce processus, purement synonyme de démolition de l'identité de cette société, conduit à repenser des modèles d'inversion de cette démolition, sur la base des réalités sociopolitiques internes.
Mahamadou Issoufou Tiado, ingénieur informaticien de formation (1995), aborde une carrière internationale d'enseignant et de chef du Centre de Calcul jusqu'en 2002. Il obtient en 2006 le grade de docteur en Réseaux et Télécommunications de l'INP de Toulouse et s'inscrit en thèse de sciences politiques après le master de l'IEP de Toulouse, spécialité sociologie politique des processus de gouvernement. Il est aujourd'hui enseignant-chercheur à l'Université AM de Niamey et apporte son concours à d'autres établissements dont l'Université canadienne du Niger.
Paris, L'Harmattan, 2010. 275 pages, 13,5 x 21 cm, broché. 26,65 €


Diplomatie n°44 Population mondiale. La bombe humaine
SOMMAIRE :
NEWS Du nouveau pour l'espace? / Crise et migrants / Quelle révolution pour Al-Qaïda?
ZOOM SUR... Le peuple aborigène
FOCUS Elections générales au Soudan
FOCUS Un printemps placé sous le signe du nucléaire
FOCUS Le suivi de la crise humanitaire au Yémen depuis l'espace
FOCUS MEDITERRANÉE Diplomatie méditerranéenne: Sur quoi portent les blocages?
FOCUS MEDITERRANÉE La Turquie, Pivot incontournable au Moyen-Orient
FOCUS Mouvements de la Terre et vie des hommes: une difficile conciliation
POINTS CHAUDS
ENTRETIEN L'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime
TABLEAU DE BORD Trafic de drogues, itinéraires et saisies
PORTFOLIO
SOCIÉTÉ
ANALYSE Le rôle des médias en cas de conflit
PORTFOLIO
DOSSIER : Population mondiale: la bombe humaine
ANALYSE Démographie, migration et politique
ENTRETIEN Les dix lois de la géopolitique de la démographie
TABLEAU DE BORD Palmarès démographique
REPÈRES Quelques implications stratégiques à l'usage des nouvelles et anciennes puissances
ATLAS géostratégique de la population mondiale
Paris, AREION Group, 2010. 90 pages, 23 x 30 cm, broché. 6,70 €

Patricia Rajeriarison & Sylvain Urfer Madagascar
Histoire et géographie
— « Madagascar est un pays africain. »
— « Madagascar est le pays des lémuriens. »
— « Ranavalona Ire fut une reine cruelle. »
— « Madagascar est une ancienne colonie française. »
— « 29 mars 1947 : événement ou insurrection?»
Économie et politique
— « Madagascar est l’un des pays les plus pauvres du monde. »
— « Madagascar est le pays de la vanille. »
— « Madagascar est un pays de potentiel. »
— « Madagascar est un pays ingouvernable. »
— « À Madagascar, les Églises font de la politique. »
Culture
— « L’identité malgache est incertaine. »
— « Madagascar vit au rythme du moramora. »
— « La culture malgache est essentiellement orale. »
— « Le fihavanana est le fondement de la culture malgache. »
— « À Madagascar, on retourne les morts. »
Société
— « Il n’y a pas d’unité nationale à Madagascar. »
— « À Madagascar, on brûle les forêts. »
— « Les Malgaches sont francophones. »
— « Madagascar est une grande destination pour l’écotourisme. »
— « Les Malgaches sont un peuple non-violent. »
Collection Idées reçues
Paris, Le Cavalier Bleu, 2010. 128 pages, 10,5 x 18 cm broché. 9,31 €

lundi 3 mai 2010

Theme AGS mois de mai : les influences étrangères en Afrique

À l'occasion du cinquantenaire des indépendances africaines, Alliance Géostratégique s’intéresse à ce continent et tout particulièrement aux influences étrangères en Afrique noire. En effet, si les Français semblent s’y désintéresser nombreux sont les acteurs à investir le continent.

Ainsi la France n’a cessé de faire évoluer sa doctrine officielle : de « l'indépendance dans l'interdépendance » (E. Faure) à « accompagner sans dicter » (D. de Villepin) en passant par « ni ingérence, ni indifférence » (L. Jospin). Les États-Unis ont réorienté leur politique étrangère vers de nouvelles préoccupations géopolitiques et géostratégiques : le terrorisme islamiste, la sécurité énergétique et l’influence grandissante de la Chine.

Les anciennes puissances coloniales sont encore très présentes. L’héritage colonial les conditionne à être présentes sur cette zone. Après la décolonisation, elles ont cherché à y conserver une certaine influence, et la présence de nombreux ressortissants nationaux ainsi que les autres liens créés au cours de la période coloniale (langue et culture, enseignement...) servent de relais à cette politique.

Des acteurs moins traditionnels ont développé leurs relations avec le continent : la Chine dont la politique africaine qualifiée d’opportuniste est souvent critiquée mais aussi l’Inde, le Brésil, la Russie, Israël, l’Iran…


La question du rôle et de l’influence des pays extérieurs est donc légitime et elle n’a jamais été posée avec autant d’acuité qu’à l’heure actuelle.


Cette influence pourrait se définir comme la capacité d’une entité à orienter le comportement des autres entités en les amenant à s’impliquer dans son action ou à s’identifier à son point de vue. Elle pourrait être assimilée au soft power de Joseph Nye qui « consiste à tenter d'abord d'obtenir par la persuasion séductrice les résultats que l'on pourrait aussi atteindre par la force. Il s'agit d'amener les autres à adhérer à des normes et des institutions qui incitent ou induisent au comportement désiré. Le Soft Power peut prendre appui sur la capacité d'établir l'ordre du jour de manière à façonner les préférences des autres. »

On pourra aussi distinguer des zones d’influence où certains États disposent d’une prépondérance et /ou d’une exclusivité par rapport aux autres.


On rappellera qu’une vision globale est particulièrement difficile à appréhender en ce qui concerne le sous-continent africain. Certains ont tenté de démontrer que l'Afrique est un ensemble homogène. Aussi nombreux sont ceux qui ont eu une vision d'une Afrique qui pourrait être appréhendée et gérée d’un seul bloc. Mais en réalité, l'Afrique est un continent hétérogène qu’il faut penser dans sa diversité et donc y appliquer non pas une politique, mais des politiques africaines. Les stratégies d’influence se prêtent particulièrement bien à cet exercice.


Pourquoi ces acteurs s’intéressent-ils au continent ? Parmi les pays d'Afrique noire, deux tiers font partie des pays les plus pauvres de la planète. Malgré cela, l’Afrique est une zone riche qui recèle des potentialités à la fois économiques et humaines. Elle est une région en pleine évolution : intérêts économiques en tête (production / extraction de ressources naturelles et de matières premières, implantation d’entreprises, nouveaux marchés à conquérir...), intérêts stratégiques et prosélytisme religieux (Libye, pays du Golfe).

Comment évaluer la place des acteurs extérieurs sur le continent africain ? Quelles sont les modalités de l’influence des principales puissances y agissant ? Quelles sont les rapports entre les différents acteurs ? Et surtout, comment ces politiques d’influence sont reçues par les gouvernements sur place et par les populations car ne l’oublions pas ils savent faire jouer la concurrence et se jouent plus qu’on ne l’imagine de la profusion des acteurs extérieurs.

À vos claviers ! Envoyez vos contributions à alliancegeostrategique@gmail.com .

vendredi 30 avril 2010

Sortie de Regard Critique. Spécial Décolonisation


A lire dans le numéro d'avril de Regard Critique (Le Journal des Hautes Etudes Internationales). A télécharger ICI :
- « Les brûlures de la décolonisation » dans les anciennes métropoles françaises et britanniques par SONIA ARAUJO
- Une interview de Jean -Pierre DERRIENNIC
- "Bandung, moment décisif de la décolonisation" par PIERRE-LUC PELLAND-MARCOTTE
- "Le cas CFA : la décolonisation qui n’a pas eu lieu" par Thierry Onga
- " Les indépendances africaines : 50 années après…" par Jean -Marc Fiende
- " Un bilan politique chaotique" par Coffi Dieudonné ASSOUVI
- "Les enfants de Félix peuvent-ils espérer un retour à la normalité ?" par Hervé Bastart
- "La junte militaire pourra-t-elle ramener la démocratie au Niger ?" par Catherine Dandonneau
- "L’OTAN en Afrique" par DAMIAN KOTZEV et Arber Fetiu

Sortie de Regard Critique. Spécial Décolonisation

A lire dans le numéro d'avril de Regard Critique (Le Journal des Hautes Etudes Internationales) A télécharger ICI :

- « Les brûlures de la décolonisation » dans les anciennes métropoles françaises et britanniques par SONIA ARAUJO

- Une interview de Jean -Pierre DERRIENNIC

- "Bandung, moment décisif de la décolonisation" par PIERRE-LUC PELLAND-MARCOTTE

- "Le cas CFA : la décolonisation qui n’a pas eu lieu" par Thierry Onga

- " Les indépendances africaines : 50 années après…" par Jean -Marc Fiende

- " Un bilan politique chaotique" par Coffi Dieudonné ASSOUVI

- "Les enfants de Félix peuvent-ils espérer un retour à la normalité ?" par Hervé Bastart

- "La junte militaire pourra-t-elle ramener la démocratie au Niger ?" par Catherine Dandonneau

- "L’OTAN en Afrique" par DAMIAN KOTZEV et Arber Fetiu

jeudi 29 avril 2010

LRA: A Regional Strategy beyond Killing Kony

Dernières recommandations de l'International Crisis Group sur la LRA de Joseph Kony.

"The Lord’s Resistance Army (LRA) has become a regional problem that requires a regional solution. Operation Lightning Thunder, launched in December 2008, is the Ugandan army’s latest attempt to crush militarily the one-time northern Ugandan rebel group. It has been a failure. After the initial attack, small groups of LRA fighters dispersed in the Democratic Republic of Congo (Congo), South Sudan and the Central African Republic (CAR), where they survive by preying on civilians. National security forces are too weak to protect their own people, while the Ugandan army, with U.S. support, is focused on hunting Joseph Kony, the group’s leader. The Ugandans have eroded the LRA’s numbers and made its communications more difficult. But LRA fighters, though disorganised, remain a terrible danger to civilians in this mostly ungoverned frontier zone. National armies, the UN and civilians themselves need to pool intelligence and coordinate their efforts in new ways if they are to end the LRA once and for all.

As the Juba peace process began to fall apart, President Museveni of Uganda worked hard to convince South Sudan and the Congo to participate in a joint military operation against the LRA. He had to overcome their mistrust of his army, notorious for its past abuse of civilians and illegal resource extraction on its neighbours’ territory. The U.S. lent its diplomatic weight to advance discussions. Even though both South Sudan and the Congo finally agreed, Uganda undermined its chances of success by failing to coordinate with them, giving them little reason to commit to the fight. In the event, bad weather and leaked intelligence caused Operation Lightning Thunder to fail in its primary objective, killing Kony, and a lack of forward planning allowed the LRA to put on a bloody show of force against Congolese civilians.

The LRA has since exploited the inability of the Congo, South Sudan and the CAR to control their border areas. Small, fast-moving groups of fighters attack unprotected villages to resupply with food and clothes and seize new recruits before heading back to the cover of the forest. Killing and mutilating are part of a strategy of terror to dissuade survivors from cooperating with the Ugandan and other armies. Even with the help of U.S. satellite imagery and audio intercepts, the Ugandan army, the only force committed to the chase, has had great difficulty tracking its targets. What was supposed to be a sudden, decisive strike has become a slow and very expensive campaign of attrition across three countries. It has also yielded unacceptably high human costs among local civilians, with virtually no accountability for the failure to protect. The weakness of all three state security forces and the limited means of the UN missions in the Congo and South Sudan have left civilians no choice but to fend for themselves, which in many instances they have done well.

In March 2010, Ugandan intelligence reported that Kony was in the southern Darfur region of Sudan, hoping to receive support from his former benefactor, the Khartoum government. He appears now to have crossed back into the CAR, where the bulk of his forces are, but with the fighters so scattered and mobile, it is difficult to pin down his exact whereabouts or the LRA’s present numerical strength. However, as the Ugandan army slowly kills and captures more of his Acholi officers, Kony’s faithful core is shrinking. This threatens the LRA’s cohesion, which depends on the leadership controlling the rank and file through violence and fear. The audio intercept capability the U.S. has given the army makes communication dangerous by any means other than runner. Despite these organisational stresses, LRA fighters continue to cause appalling suffering even in survival mode and would likely continue to do so even if Kony is caught or killed.

To remove this twenty-year-old cancer, a new strategy is required that prioritises civilian protection; unity of effort among military and civilian actors within and across national boundaries; and national ownership. The LRA’s need for fresh recruits and the ability of civilians to provide the most accurate information on its activities makes protecting them both a moral imperative and a tactical necessity. Only by pooling intelligence and coordinating activities across the entire affected region can the Ugandan army, its national partners, the UN and civilians hope to rid themselves of the LRA. The Ugandan operation and UN missions, however, offer only temporary support to LRA-affected states. The latter need to put structures in place now to ensure they can cope with what is left of the organisation and its fighters when foreign militaries leave.

Moreover, even complete victory over the LRA would not guarantee an end to insecurity in northern Uganda. To do that, the Kampala government must treat the root causes of trouble in that area from which the LRA sprang, namely northern perceptions of economic and political marginalisation, and ensure the social rehabilitation of the north.

RECOMMENDATIONS

Regarding civilian protection

To the Ugandan and U.S. Governments:


1. Adopt a new strategy that prioritises civilian protection. Review the operation every four months to assess civilian casualties and increase civilian protection measures accordingly.

2. Set a clear goal and timeline for the operation, such as the neutralisation of the LRA leadership within one year.

To the Governments and Armies of Uganda, the Congo, the CAR and South Sudan, the UN Mission in Congo (MONUC) and the UN Mission in Sudan (UNMIS):


3. Deploy more soldiers and logistical support to LRA-affected areas to provide safe havens by increasing joint day and night patrols in villages, on frequently used routes and especially in larger settlements.

4. Work with civilians to set up unarmed and voluntary community security committees in the Congo and increase the capacity of self-defence groups in South Sudan and the CAR.

5. Rehabilitate roads in LRA-affected areas.

6. MONUC and UNMIS should deploy permanent joint protection teams to monitor human rights abuses committed in LRA-affected areas, and the Congolese government should urgently enforce discipline within the regiments deployed in Haut- and Bas-Uélé, encourage civilian oversight structures to monitor human rights abuses by its soldiers and punish and withdraw offenders from the field.

Regarding unity of effort among military and civilian actors within and across national boundaries

To the U.S. Government:

7. Deploy a team to the theatre of operations to run an intelligence platform that centralises all operational information from the Ugandan and other armies, as well as the UN and civilian networks, and provides analysis to the Ugandans to better target military operations.

To MONUC and UNMIS:

8. Create a regional team with members in both the Congo and South Sudan dedicated to gathering, analysing and sharing information on LRA activities and advising on how best to protect civilians.

To the UN Security Council:


9. Give the UN mission in the CAR and Chad (MINURCAT) a new mandate to remain in the CAR, deploy to the south east and join the MONUC/UNMIS regional team dedicated to gathering, analysing and sharing information on LRA activities and advising on how best to protect civilians.

10. Ensure that the planned and gradual drawdown of MONUC leaves sufficient forces in the LRA-affected areas in the Congo.

Regarding national ownership

To the Ugandan Army, MONUC, UNMIS and MINURCAT:

11. Work more closely with the Congolese, South Sudan (SPLA) and CAR armies through joint patrols and offensive operations, in full compliance with the UN’s conditionality policy on support to national armies, and by sharing information so they gain a full understanding of the operation and improve their counter-insurgency tactics.

To the Governments of the Congo, South Sudan (GoSS), and the CAR:

12. Instruct local authorities, police and the security forces to work with communities in the support of self-defence groups; local administrators should register all members, agree in writing on their specific tasks, plan and monitor group activities carefully.

Regarding the root causes of the problem in northern Uganda

To the Ugandan Government:

13. Bring closure to the LRA conflict and minimise the risk of a successor insurgency by implementing the provisions of the agreements negotiated but not finally signed in Juba which relate to reconstructing the north, bringing the worst perpetrators to justice and reconciling civilians with former fighters.

To Donors:

14. Finance a disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) program for LRA combatants and a regional communication campaign and support humanitarian relief and long-term development programs implemented in an accountable and transparent manner in northern Uganda."

mercredi 28 avril 2010

Fin de la réunion historique entre les États-Unis et l’Union africaine


L’ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union africaine, M. Michael Battle, et le président de la Commission de l’Union africaine, M. Jean Ping, ont tous deux qualifié d’événement « historique » et de succès retentissant le premier tour des Réunions bilatérales à haut niveau entre les États-Unis et l’Union africaine.

MM. Battle et Ping ont fait ces déclarations devant des journalistes réunis le 23 avril au Centre de la presse étrangère à Washington, à la fin de deux jours d’entretiens dans la capitale des États-Unis.
« C’est la première fois que nous tenons des consultations à ce niveau », a indiqué M. Battle, et nous espérons voir une gamme complète de relations substantielles s’épanouir entre l’Union africaine, en tant qu’organisme régional à l’échelle continentale, et le gouvernement des États-Unis. »

Lors de la conférence de presse, M. Ping a déclaré qu’il joignait sa voix à celle de l’ambassadeur Battle en qualifiant « d’historique » le premier échange de ce genre entre les parties. « Cette réunion a été très fructueuse pour nous », a dit M. Ping en remerciant le gouvernement Obama pour avoir organisé ces premières consultations bilatérales.
Bien que les États-Unis maintiennent depuis longtemps des relations bilatérales avec les divers pays du continent, les entretiens É.-U.-Union africaine représentaient la première occasion qu’ont eue les deux parties de forger « un partenariat solide », a souligné M. Ping. « Nous avons déjà un tel partenariat avec l’Union et la Commission européennes et leurs États membres. Nous en avons de pareils avec le Japon, la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, l’Amérique latine et aussi la Turquie. Alors nous avons pensé que nous devions forger un partenariat semblable avec la principale économie du monde. »
« Nous sommes très satisfaits du fait que nous avons atteint notre objectif, qui était d’échanger nos points de vue avec le gouvernement américain dans tous les domaines : paix et sécurité sur le continent ; développement du continent ; principes communs sur le continent et d’autres questions afférentes, notamment culturelles et sociales », a ajouté M. Ping.

Le président de la Commission de l’Union africaine a indiqué qu’une sixième région venait de s’ajouter aux cinq qui constituent l’Afrique, et c’était celle de la diaspora africaine aux États-Unis. « Celle-ci, dit-elle, est très, très importante. Alors vous pouvez imaginer jusqu’à quel degré nous avons l’intention d’approfondir nos relations avec les États-Unis, et cette rencontre a été des plus fructueuses. »
M. Ping a expliqué que les États-Unis et l’Union africaine faisaient tous deux face à des défis mondiaux, l’une des raisons parmi d’autres nécessitant de telles relations multilatérales.

« Il y a le problème du terrorisme (…) du trafic de stupéfiants (…) de la traite des personnes (…) tous ces problèmes mondiaux auxquels nous devons faire face. Quant à leur solution, il n’existe aucun pays, aucun continent, capable, à lui seul, de la trouver. La coopération est impérative. Aux problèmes mondiaux, il nous faut des solutions mondiales. »

L’ambassadeur Battle a souligné que cette première série de réunions bilatérales entre les États-Unis et l’Union africaine ne remplaçait nullement les relations bilatérales que les États-Unis entretenaient avec presque tous les pays africains, mais qu’il était nécessaire, ainsi que l’avait dit M. Ping, de tenir de telles réunions générales afin d’aborder les questions et les problèmes transnationaux, qui débordent les frontières, tels que les trafics illicites de tous ordres et la sécurité alimentaire.

À cette observation, M. Ping a ajouté : « Si l’on voulait parler de changement climatique, ou de commerce extérieur, aucun pays africain à lui seul ne pourrait se faire entendre, sa voix serait trop faible (…) Lorsque nous parlons collectivement, (…) nous représentons un certain pouvoir. »

Lors d’un entretien accordé à America.gov avant la conférence de presse, M. Battle a qualifié de « très significatives » les relations entre les États-Unis et l’Union africaine. Les réunions de haut niveau, a-t-il dit, permettent aux deux parties de « concrétiser une relation qui a été très productive, mais qui, à plusieurs égards, n’avait pas de teneur officielle ».

C’est l’une des raisons pour lesquelles figuraient, à l’ordre du jour, des discussions au siège de divers organismes fédéraux, notamment le ministère de la justice, le ministère de la santé et des services sociaux et la Société du compte du millénaire (MCC). Des réunions ont également été organisées avec la diaspora africaine de Washington.

M. Battle a dit que les réunions bilatérales États-Unis-Union africaine « permettent d’aborder les questions transnationales, qui ont acquis beaucoup d’importance », ajoutant que M. Ping lui a déclaré, à la fin de la première journée d’entretiens, que les attentes de l’Union africaine avaient déjà été dépassées. Le diplomate attribue cette estimation à la franchise et à l’ouverture qui ont caractérisé les conversations :

« Il y a eu de très nombreux échanges de points de vue entre la délégation africaine et les représentants des États-Unis. Cela m’a fait réellement plaisir. Ce qui me fera encore plus plaisir, c’est si nous arrivons à faire le suivi dont nous devons nous occuper d’ici l’année prochaine (…) »

Un cadre de travaux et de discussions de suivi a déjà été dressé pour la prochaine série d’entretiens en 2011, a-t-il indiqué.

SOURCE

US Department of State

mardi 27 avril 2010

Omar El-Béchir réélu à la tête d'un régime difficile à cerner


On s’y attendait c’est confirmée, avec 68,24% des voix, le président soudanais Omar el-Béchir a été reconduit à la tête du Soudan, hier lors de son premier test électoral après 21 ans de pouvoir. "En ce jour, je remercie Dieu parce que c'est lui qui donne la victoire. Ce n'est pas une victoire pour le NCP (Parti du congrès national) seul, mais pour tous les Soudanais" a-t-il déclaré.

Le Soudan est un géant aux pieds d’argile. Il a tous les attributs d’une puissance régionale : c’est le plus vaste pays d’Afrique, c’est un pays stratégiquement situé, au carrefour du monde arabe et de l’Afrique, c’est aussi un important producteur de pétrole, et son potentiel agricole et minier est également important. Pourtant ce pays est fragile. Le Soudan est une mosaïque de peuples (572 langues), son pouvoir est contrôlé depuis l’indépendance par les Arabes, minoritaires (30% de la population) et surtout le pays est divisé entre un centre plutôt favorisé et des périphéries marginalisées : Sud, mais aussi Est et Ouest (Darfour), qui se rebellent. Plus qu’une guerre de religion entre un Nord islamique et un Sud chrétien et/ou animiste, ce sont plutôt deux cultures, une tribale traditionaliste au Sud et une arabo-musulmane au nord, qui s'opposent. On peut aussi y analyser une opposition entre le Centre (concentrant tous les infrastructures, les banques...) et la périphérie (les ressources pétrolières sont au sud et à l’ouest). En outre, la crise du Darfour a remis en cause la grille d’analyse traditionnelle qui permettait d’expliquer la situation au Soudan par le clivage Nord (musulman) /Sud (chrétien). Il est donc difficile de comprendre le fonctionnement du régime soudanais. Petit rappel des faits :

L’ISOLEMENT DU POUVOIR ISLAMISTE SOUDANAIS DANS LES ANNEES 1990

En 1989, le général Omar el-Béchir, sous l’influence d’Hassan al-Tourabi (photo)  et du Front National Islamique (FNI), arrive au pouvoir après un coup d’Etat. 1989 représente une véritable césure islamiste dans le pays. L’islam politique d’inspiration wahhabite triomphe représenté par Hassan el Tourabi, chef du Front National Islamique. Ses ambitions et son activisme l'avaient mené à sa perte, au moment où le pouvoir projetait de briser son isolement international. Ainsi, Hassan el Tourabi est mis à l’écart en 1999.
Au niveau international, dès 1989, le Soudan dispose d’une mauvaise image internationale. Le régime a même été soupçonné de soutenir le terrorisme islamiste en accueillant Ben Laden. En réponse la communauté internationale se veut très ferme. Ce statut « d’Etat–paria » favorise le rapprochement de Khartoum avec certains pays asiatiques (Chine, Malaisie, Inde), notamment dans le secteur pétrolier et minier.

LE REGIME S’OUVRE ET SORT DE SON ISOLEMENT AU DEBUT DU XXIEME SIECLE.


Entre août 1998 et septembre 2001, un changement important se fait dans l’équilibre interne du pouvoir à Khartoum. Avant 1998, le régime avait mobilisé à la fois une approche traditionnelle de la sécurité nationale, centrée sur l’État, et une approche panislamiste plus radicale. Deux approches qui, suivant les périodes, étaient soient rivales soient associées. En décembre 1999, le président Bechir suspend l’Assemblée nationale, écarte Tourabi et purge le parti unique (le Congrès national) des plus importants partisans de ce dernier.

Depuis les années 1980 on peut remarquer que les islamistes soudanais aiment séduire, manipuler et infiltrer. Ils fonctionnent comme une société secrète. Officiellement, c’est le président Omar el-Béchir qui gouverne. L’alliance, créée en 1989, avec le FNI se poursuit. L’armée occupe la plus haute fonction de l’Etat, elle s’enrichit et investit dans le secteur pétrolier et la finance.

Voir : Omar El Bechir est l'objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale depuis le 4 mars 2009, article ICI
La nouvelle stratégie américaine pour le Soudan ICI

lundi 26 avril 2010

Microcrédit : Reportage - Ethiopie. Une banque pour les plus pauvres



Les plus pauvres du monde peuvent changer leur vie, grâce au micro-crédits. En Ethiopie, une “Banque des pauvres”, soutenue par plusieurs organisations européennes, est parmi les meilleures institutions de ce secteur. La micro-finance pourrait pourtant encore tripler ses efforts, car les besoins restent largement insatisfaits.