L’indépendance du Sud Soudan est une singularité. Elle fut soutenue par des puissances extérieures au continent et contre le principe fondamental d’intangibilité des frontières de l’Union Africaine hérité de 1964.
L’accord de paix de Nairobi du 9 janvier 2005 entre le gouvernement de Khartoum et la rébellion sudiste de John Garang, incluant le referendum d’autodétermination de 2011, a mis fin au plus long conflit du continent africain (3 millions de morts, 5 millions de déplacés/réfugiés).
La principale conséquence de cette indépendance pourrait être au niveau régional. En effet, le Somaliland, État de facto depuis 1991, toujours en attente de reconnaissance internationale voit dans l'indépendance du Sud-Soudan une opportunité de faire valoir ses revendications à son tour : « If the international community accepts the independence of southern Sudan, there is no reason why the door should not be open for us also” affirmait en début d’année le président Somalilandais. En 2010 le pays a organisé des élections présidentielles qui se sont passés dans le calme et la transition démocratique fut reconnue de tous. Au lendemain de son élection le nouveau président, Silaanyo, affichait clairement l’objectif principal de son mandat : “During my tenure as president I will vigorously fight for the recognition of Somaliland. The world must recognize our democracy”.
Le Somaliland a tout d’un Etat sauf…la reconnaissance formelle des autres Etats ! Ce petit pays au Nord de la Somalie souhaite retrouver les frontières du British Somaliland, une colonie distincte de la Somalia Italiana et dont elle a obtenue son indépendance séparément. De fait son rattachement au reste de la Somalie fut bref (rappel historique : ICI, Vidéo Somali independence Day 1960 )
C’est également un ilot stable ayant assis son autorité sur son territoire. Un rattachement à moyen ou même long terme avec la Somalie du Sud est inenvisageable. Le pays dispose de ses propres forces de sécurité et de sa police, d'un système judiciaire et d'une monnaie, d’un drapeau, de timbre (édités en Grande Bretagne), de gardes côtes formés par les Britanniques, d’institutions qui fonctionnent…. Le secteur privé est très dynamique (7 opérateurs de téléphone presque autant de journaux). C’est aussi la seule économie au monde où plus de la moitié de la population dépend du pastoralisme nomade pour vivre.
Pourquoi une reconnaissance internationale si le Somaliland fonctionne déjà comme un Etat ? Outre la possibilité de siéger dans les instances internationales, d’être reconnue par l’ONU, le FMI….une reconnaissance permettrait des relations bancaires et la possibilité d’établir des contrats d’assurance et donc aux investisseurs de s’implanter et à l’Etat de connaitre un essor économique.
De fait, les missions britanniques, américaines…se succèdent à Hargeisa la capitale. Les britanniques seraient venus demander, en octobre 2010, la collaboration des gardes-côtes du Somaliland à leur lutte contre la piraterie maritime et auraient offert en contrepartie des armes et des moyens de détection radars. Ils se seraient également déclarés intéressés pour disposer d'une base navale près de Berbera. De même les Américains ont changé de stratégie en Somalie. Désormais le dialogue et l’aide financière avec les régions périphériques de la Somalie sont privilégiés. Pourtant aucun pays occidental de se risquerait à s’ingérer dans les affaires africaines et à contredire les principes de l’Union Africaine en reconnaissant ce nouvel État.
L'Éthiopie et Djibouti traitent ce voisin comme un égal et commerce avec lui (le Somaliland est même un nouveau débouché maritime pour l’Ethiopie) mais ils n’ont pas la légitimité pour le reconnaitre. L’Ethiopie serait une nouvelle fois perçue comme un État colonial par ses voisins.
La souveraineté du Somaliland est donc reconnue implicitement de tous mais la reconnaissance internationale reste un acte discrétionnaire de chaque État et personne ne souhaite faire le premier pas. La seule solution serait une reconnaissance officielle par un État africain tel que l’Afrique du Sud…mais quel intérêt pour cet État ?
La situation risque de perdurer et ce statut quo s’installer dans le long terme dans la mesure où aucun Etat ne prendra la décision de reconnaître en premier le Somaliland. Le précédent sud-soudanais pourrait rester une singularité et « le secret le mieux gardé d'Afrique », comme le nomme ses dirigeants, le rester...
Pour aller plus loin :
- Une sélection d'articles des Nouvelles d'Addis sur le Somaliland : ICI
- Une sélection de liens Somalilandais ICI
- "Somalia & Somaliland : Envisioning a dialogue on the question of Somali unity"
- "Debating secession and the recognition of new states in Africa"
- "Somaliland : à l'Union Africaine de montrer le chemin"
Sonia Le Gouriellec, Good Morning Afrika