750 000 électeurs étaient appelés
aux urnes le 13 avril 2014, pour le premier tour de la présidentielle et pour
les législatives Bissau-Guinéennes, cette ex-colonie portugaise de 1,6 million
d'habitants. 13 candidats se présentaient à la présidentielle et 15 partis aux
législatives. Ces élections auraient dû se tenir un an après le dernier putsch
du 12 avril 2012, qui avait renversé le régime du Premier ministre Carlos Gomes
Junior et interrompu les élections générales, mais elles ont été reportées à
plusieurs reprises. Jeune Afrique tire d’ailleurs ce constat : « en
vingt ans de multipartisme, aucun Premier ministre ni aucun président n'est
allé au terme de son mandat ».
Le second tour se tiendra le 18
mai 2014 et il verra s’affronter deux candidats. L’ancien mouvement de
libération, le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert
(PAIGC), et son candidat, José Mario Vaz, arrive sans surprise au second tour
de la présidentielle et il obtient 55 des 102 sièges à l'Assemblée nationale
populaire, soit la majorité absolu. La surprise est créée par Nuno Gomes Nabiam
(25,1 %), candidat indépendant et directeur de l'aviation civile. Ce dernier
bénéficie du soutien de l’armée, notamment d'Antonio Indjai, le chef
d'état-major, et des Balantes (la principale ethnie du pays).
Ci-dessus répartition ethnique en Guinée-Bissau
Ci-dessus répartition des votes lors du premier tour des présidentielles
Ces élections ont rencontré peu d’échos
en France. Pourtant, les enjeux dépassent les frontières de l’Etat ouest
africain et la pression internationale a été déterminante dans la tenue de ces
élections. Le 19 avril le Washington
Post consacrait d’ailleurs un article aux « multiples dimensions d’uneélection dans un petit Etat d’Afrique », nous reprenons, en partie, ici
les conclusions :
D’une part, les bailleurs
internationaux ont largement financé ces élections. Selon un rapport de l’Union
Européenne : « The international community financed the entire
electoral process with one-third of the contributions coming from the European
Union. The elections had a cost of almost US$17 per voter, which was on the higher side of the
world average and well above the African average of US$7 » (ICI coût des élections en général). De plus, il y
a sur place près de 680 observateurs locaux et 400 observateurs étrangers (dont
200 de la CEDEAO et 46 de l’UE), en partie formée à l’étranger. Par ailleurs, la diaspora est appelée à voter pour les
élections législatives et pour la premières fois pour les présidentielles. Ils
sont 22 312 à être enregistrés et deux des 102 sièges du Parlement sont
réservés aux représentants de la diaspora. Le pays était sous pression de la
communauté internationale qui envisageait de nouvelles sanctions si les
élections n’étaient pas tenues. L’Union africaine avait suspendue le pays après
le coup d’Etat et a déjà annoncé « que dès l'annonce du vainqueur auxélections présidentielles et la prise de fonctions du nouveau Présidentconformément à la Constitution de la Guinée Bissau, le pays sera invité àreprendre sa participation aux activités de l'UA ».
José Mario Vaz (à gauche), Nuno Gomes Nabiam (à droite)
La Guinée Bissau est financièrement
« au bord de la banqueroute » rappelle l’International Crisis Group
qui prévient : « le vote ne réglera
rien si les partenaires internationaux n’accompagnent pas la Guinée-Bissau dans
la période cruciale qui suivra l’investiture du nouveau président. Ils devront
le faire en améliorant encore leur coordination dans les derniers jours qui
restent avant les scrutins, mais surtout pendant et après le vote. »
Par ailleurs, l’armée a toujours joué un rôle politique fort dans le pays, et a
contribué à entretenir le chaos institutionnel, l’un des enjeux à venir est donc de savoir
comment les responsables des forces de défense et de sécurité, pour certains mêlésau trafic de cocaïne, accepteront la transition et la remise en cause de leurs
privilèges. D’autant plus que c’est le candidat arrivé second au premier tour
des présidentielles qui bénéficie du soutien de l’armée. Si le PAIGC remporte
les élections il devra donc agir avec discernement et trouver des compromis
pour pouvoir gouverner.
Résultats officiels des élections : ICI